La fée prisonnière
Blottie près de l'âtre, la fée se souvient avec nostalgie du
temps où la magie était encore présente dans son foyer. Elle
frissonne en entendant le vent hurler à l'extérieur de la petite
maison de bois où elle vit, recluse. Ses cheveux d'or emmêlés, le
visage noirci de cendres froides, la fée semble vêtue comme une
souillon dans ses vêtements informes et déchirés. Avec un sourire
triste, elle se laisse bercer par le vent qui hurle au-dehors avant
de se replonger dans ses souvenirs. Autrefois, elle vivait au pays
des fées et avec ses compagnes, elle batifolait à longueur de
journée parmi les fleurs et l'herbe tendre. Un jour qu'elle se
promenait dans le monde des hommes, elle tomba éperdument amoureuse
d'un être humain aux longs cheveux de cuivre. Sentant le regard de
la créature féérique, il s'était approché et il avait engagé la
conversation. Ils se revirent plusieurs fois et enfin, elle accepta
sa proposition de vivre à ses côtés. Reniée par ses sœurs, elle
suivit l'homme dans sa demeure. Mais il l'enferma dans une pièce de
sa maison et il lui ordonna de le rendre riche et aimé de tous, lui
l'homme que l'on méprise pour sa pauvreté, son mauvais caractère
et sa mauvaise éducation. La fée lui répondit qu'elle ne pouvait
accomplir son désir, il devait agir pour obtenir ce qu'il désirait.
Il revint la voir chaque soir pour lui demander si elle avait changé
d'avis et devant son refus, il la maintient prisonnière en son
logis. La fée se meurt mais elle ne peut accéder à son désir car
sa magie ne fonctionne que si son désir est profond de réaliser le
vœu qui lui est demandé. Les heures passent et le soleil se lève
timidement au-dehors, elle entend les oiseaux se réveiller au
dehors. Sa magie épuisée par sa fatigue et sa longue privation de
nourriture, elle ne peut s'en sortir par magie. Derrière la porte,
elle entend les pas de l'homme approcher. La créature magique
utilise ses dernières forces pour saisir le chandelier en bronze qui
trône sur la cheminée, vestige de jours meilleurs. D'un geste
brusque, elle frappe au frond son tortionnaire. Le bois du parquet se
teinte de rouge mais elle n'y prend garde, elle court vers la prairie
fleurie pour rejoindre ses sœurs. Gravée dans sa mémoire, l'image
du corps sans vie la hante mais la vue de sa prairie où ses sœurs
dansent en rond sous la lune lui donne la force de chasser ce
souvenir pour sourire et tendre la main à ses sœurs qui lui font
une place dans leur ronde nocturne.