Dans sa fuite, la jeune fille trébuche
dans le lit de la rivière. Par chance, elle est peu profonde à cet
endroit mais dans sa panique, elle peine à se relever. Ses longs
cheveux bleus tirant sur le mauve traînent dans l'onde boueuse mais
elle n'y prend pas garde. Elle se relève, un peu tremblante, en
regardant en arrière de ses étranges yeux violets avant d'observer
rapidement son environnement. Doit-elle continuer sa course dans le
lit de la rivière pour effacer ses traces ou couper par la forêt
pour mieux se dissimuler ? Elle hésite une seconde de trop à
s'enfoncer dans la végétation luxuriante, ses ennemis approchent,
elle entend leurs pas. Tremblante, la jeune fille avance aussi vite
qu'elle le peut dans la forêt parmi les lianes qui menacent sa fuite
et les insectes grouillants. Pieds nus, elle craint à chaque instant
de déranger un serpent ou une araignée venimeuse mais sa vie est en
danger, elle n'a pas le temps de s'attarder en ce lieu. La proie
s'arrête un instant pour se reposer et écouter les murmures des
arbres et de la forêt mais tout est calme. Soulagée, elle est
espère que ses poursuivants ont suivi la rivière. Elle frissonne
seulement vêtue de son trop court pagne marron et de son haut de
feuilles. Elle enrage de ne pas avoir compris plus tôt qu'elle se
jetait dans la gueule du loup. Elle pensait se rendre à une fête
pour implorer les dieux d'épargner les récoltes des insectes qui
les détruisent depuis plusieurs mois. Elle s'était faite belle en
ce jour et c'est avec soin qu'à l'aube, elle avait tracé des
arabesques sur son corps pour former un réseau presque lumineux tant
elles étaient blanches en contraste avec sa peau dorée. En sortant
de sa tente, elle avait compris qu'elle était désignée pour le
sacrifice destiné à apaiser les dieux et les esprits des ancêtres.
La toute jeune fille n'avait écouté que son instinct et elle avait
feint d'accepter son sort pour fuir dès que la vigilance de ses
gardes s'était relâchée.
Qu'allait-elle devenir seule dans la
forêt ? Elle songeait à la victime qui l'avait remplacée,
emplie de culpabilité. Mais elle avait fait son choix et retourner
au village ne la ramènerait pas à la vie car à l'heure qu'il est,
elle doit avoir été offerte en sacrifice aux dieux et aux déesses.
Elle espère seulement que ses poursuivants ont pris la mauvaise
direction ou abandonné leur chasse. Partir, elle doit partir loin,
très loin et avec de la chance, elle trouverait une tribu d'adoption
aux mœurs moins cruelles. Pleine d'espoir, la jeune fille lève les
yeux vers les arbres, elle murmure une prière et elle avance d'un
pas résolu sous le couvert des arbres alors que les premières
gouttes d'une pluie chaude effacent les peintures rituelles sur sa
peau.