dimanche 13 août 2017

Retraite de corsaire

« Corsaire, je vogue par tous les temps sur les océans européens. Je m'approprie les richesses des navires espagnols et portugais qui quittent les eaux du vieux continent. Au cours de ma longue carrière, longue pour un corsaire, en tous cas, j'ai acquis d'immenses richesses que j'ai entreposées dans divers endroits disséminés le long des côtes. Aujourd'hui, moi, Ignace de SAINT-ALBAN, j'ai décidé après de longues années à bourlinguer de prendre une retraite bien méritée. Mon corps ne répond plus aussi bien qu'autrefois et je songe de plus en plus souvent à fonder une famille avec une belle qui voudrait bien de moi malgré mes cicatrices et mon passé trouble. Mais il me faut récupérer mes trésors, tout en étant recherché sur toutes les côtes de la mer du nord à la méditerranée...


Pour mener à bien ce projet, j'ai décidé de noter sur une carte tous les lieux qui renferment mes trésors et de sélectionner dans mon équipage, les hommes les plus fiables qui soient. Les plus fidèles marins, les plus courageux et les meilleurs combattants font partie de cette escorte, ils auront une part de mon butin et sans doute que l'un d'eux s'en servira pour racheter mon bateau une fois le moment de la retraite venu. Je dois donc me rendre à Amsterdam dans les Provinces-Unies, Bristol en Angleterre, L'Orient en Bretagne et Lisbonne au Portugal avant de filer droit vers les Caraïbes !


Après un mois de préparation minutieuse et de réparation de mon navire qui a souffert de mes dernières campagnes, je mets enfin le cap sur Amsterdam sous l'identité d'un marchand de draps qui va se réapprovisionner dans les Provinces-Unies. Pour plus de véracité, je prévois de m'approvisionner en porcelaine et en soieries, ainsi qu'en épices que je revendrais dans les Caraïbes ou sur le trajet vers mon trésor. »

« Amsterdam est en vue ! La ville la plus riche du monde, pleine à craquer de marchands venus du monde entier me tend les bras. »

« Enfin ! J'ai récupéré mon bien ! Tout d'abord, j'ai très avantageusement vendu ma cargaison contre de l'or. Puis, à la nuit tombée, je suis allé rendre visite à mon agent de change habituel que j'avais prévenu par courrier de mon arrivée. Il avait préparé mon or dissimulé dans des malles en fer qui ne paient pas de mine. Je ne dois pas laisser mon bateau se faire visiter mais si j'ai des canons, c'est bien pour qu'ils servent ! Je quitte Amsterdam dès ce soir à la nuit tombée, je vais aller profiter de cette dernière journée à terre pour flâner et m'offrir un bon repas dans une taverne que je connais bien. Mon équipage rejoindra le navire dans la soirée. »


« Cap sur Bristol! Les gorges de la vallée de l'Avon m'attendent... La traversée s'est déroulée sans encombre, l'équipage ne pose pas de question, nous n'avons pas reçu de visites, tout est au mieux. »


«  Les gorges de la vallée de l'Avon n'ont pas changé depuis le temps. A l'époque, j'avais pris soin de bien noter dans ma mémoire la topographie du terrain et de choisir un point de repère facile mais tellement visible que personne ne songerait à aller l'explorer. La cavité creusée par les eaux des siècles passés tout au fond de la vallée n'a pas été explorée à ma grande joie. Le sac de cuir rempli d'or a subi les affres du temps mais le contenu en est intact. Quoi qu'il arrive, je serai en mesure de rémunérer l'équipage, on ne sait jamais avec ces vieux loups de mer... »


« Sous les vents d'automne, je rejoins le port de L'Orient. Le port s'est bien développé depuis mon dernier passage en ces lieux : des bâtiments ont été construits en dur sur les hauteurs, j'imagine que ce sont des entrepôts qui regorgent d'épices et autres marchandises. Je ne regrette pas d'avoir déjà vendu ma cargaison, la concurrence est rude en ces lieux ; on dirait que le monde entier a déversé ses produits dans le port de L'Orient : soies, épices, oiseaux des îles et bois précieux envahissent les étals du marché. Qu'en ferais-je ? Une fois aux Caraïbes, ils seront à portée de main ! J'en ramène une quantité restreinte pour commercer car on n'est jamais trop riche, n'est-ce pas ? Toutefois, j'en profite avant tout pour déguster des produits du terroir : fromage, charcuterie, fruits et légumes de saison ravissent mon palais. Je n'ai jamais autant apprécié un pot-au-feu que maintenant que je sais que c'est à coup sûr le dernier que je vais manger.


A la nuit tombée, je pénètre dans une riche propriété en plein cœur de la ville. Dieu merci, il est toujours là ! Le chêne centenaire veille sur mon sac de bijoux, il n'a pas été abattu par le vent, la vieillesse ou la fantaisie des maîtres. Je n'entends pas de chiens mais je me hâte pour creuser dans la terre froide, humide et noire jusqu'à trouver ce que je cherche : un simple sac de jute qui contient des bijoux de valeur. Dans ma hâte, il se déchire mais je ne me risque pas à chercher à tâtons mon bien. Je ne voudrais pas être surpris, la maîtresse de maison recevra ainsi récompense pour sa garde involontaire. Peu m'importe, je serai loin dès demain à l'aube. A peine remonté à bord, nous levons l'ancre pour quitter au plus vite ce lieu tant que la nuit masque notre fuite. Je veux à tout prix éviter une fouille et voir le fruit d'une vie de rapine passer aux mains de la police et au trésor du roi. » 


« Nous cinglons vers Lisbonne qui est l'avant-dernière étape de ce voyage. A peine arrivé au port, je revends les restes de ma cargaison avec un bénéfice conséquent. Je vérifie une dernière fois l'état de mon bateau, il est en parfait état, il pourra supporter la traversée qui l'attend. Je prends soin de le renommer une ultime fois dans un atelier clandestin et je repars après ces dernières nuits sur la terre d'Europe, le continent qui m'a vu naître. Demain, cap sur les Caraïbes ! »

«  Voici la dernière page de ce journal de bord. Nous sommes arrivés sans encombres dans les Caraïbes. Le gouverneur de la Barbade m'a accueilli sans poser de questions, la colonie est jeune et a besoin de bras vigoureux et d'esprits ambitieux. J'ai pu acheter une plantation florissante dont le propriétaire ne supportait pas le climat de l'île. Il me l'a vendu à un prix raisonnable me faisant bénéficier de sa bonne réputation, j'ai donc mes entrées parmi les riches familles de l'île. Mes projets de mariage pourraient bien me faire accéder à une position sociale relativement élevée dans la petite société des colons. »


- Ce journal est fort intéressant et remarquablement conservé malgré qu'il n'en subsiste que des fragments. Permettez que j'en fasse une copie pour le musée local ?