J'ai pris le maquis dès ma plus tendre enfance. Je
suis sortie des sentiers battus ou tout tracés que l'on voulait que
je suive. En toutes choses, j'ai suivi mes idées, mon instinct et me
suis fait ma propre opinion.
Un peu artiste, un peu brouillon, un peu éclectique,
je me suis adonnée à mes passions et j'ai suivi mes inclinations.
Parfois les regards de mon entourage se faisaient sévères ou
s'emplissaient d'incompréhension face à cette nature libre que rien
ne pouvait corrompre.
Parfois un professeur un peu sévère se penchait sur
mes cahiers dont les marges gribouillées trahissaient le tumulte de
mon esprit qui explorait de nouveaux horizons lors de mornes journées
de classe qui m'ennuyaient. Bon élève, je faisais bonne figure et
masquait mon forfait sous des notes prises scrupuleusement.
Les adultes souvent me disaient que j'étais trop
jeune pour comprendre, avoir une opinion ou argumenter dans des
débats passionnés. Vexée, je me suis réfugiée dans les livres et
les journaux intimes où durant des heures, à longueur de page, je
refaisais le monde, le critiquais et rêvais d' un monde meilleur.
Je portais mes idées comme un étendard. Héritière
des libres-penseurs, affranchie de préjugés et d'idées toutes
faites, j'avançais à la recherche d'âmes qui répondent à la
mienne, prêtes à refaire le monde pour un avenir meilleur ou a
minima, prêtes à débattre des travers de ce monde et de la manière
de le rendre meilleur à la mesure de nos possibilités.
L'adolescence a voulu sonner le glas de mon
libre-arbitre et de ma liberté de pensée. Jamais encore, on
n'avait tant voulu me fondre dans la masse et me faire entrer dans le
moule. Mais mon âme sauvage et altière s'y refusait et le clamait
haut et fort. L'incompréhension et la solitude furent le prix à
payer en cette période troublée où les âmes et les idées se
forgent. Mais restée fidèle à moi-même, je suis restée ce que je
suis sans me soucier des murmures sur mon passage et des moqueries,
incitations à me fondre dans la masse. Si j'accorde le droit à
chacun le droit d'avoir son opinion propre, de quel droit, chacun se
permet-il de la railler sans même discuter de mes idées, de mes
idéaux et de mes valeurs ?
J'ai pris le parti de rester moi-même envers et
contre tout sans nuire à qui que ce soit mais en enrichissant la vie
de celui qui daigne m'ouvrir son cœur. Je refuse la standardisation
des idées et les modes qui ne durent qu'une saison. Mon âme est en
constant mouvement, en évolution, elle croît chaque jour au contact
d'idées et d'influences nouvelles que j'intègre, confronte ou
rejette sans cesse. Je ne me soucie pas des modes ou de la
bienséance. Je trie, je recoupe, je compare, j'enrichis les
informations et les opinions qui viennent à moi sans me soucier de
l'avis de mon interlocuteur.
J'ai trop souvent observé par le passé, ces
personnes qui changent d'opinion au gré de leur interlocuteur.
Parfois lors d'une même conversation, ils changent de chemin pour
complaire à leur partenaire de bavardage et non par l'aboutissement
d'une longue et minutieuse réflexion sur la question du moment.
Je me gausse de ce qui se fait et ne se fait pas, tant
que mes valeurs ne sont pas affectées et que je suis prête à en
supporter les conséquences. J'écoute mon instinct, mon cœur, les
murmures du vent dans la lande et les cris de l'océan, libres et
sauvages confidents.
J'absorbe les informations de multiples horizons pour
mieux les confronter à mes savoirs et mes idées, pour mieux les
faire grandir et les faire évoluer sans me soucier des regards posés
sur moi quand je pars dans des débats enflammés.
Mon credo s'appelle « Liberté » et ma
bible s'appelle « Encyclopédie universelle ». Mes héros
sont ceux qui se sont opposés à leur temps, incompris et honnis de
leurs pairs. Ils ont pour nom Galilée, Christophe Colomb ou encore
Voltaire.
Mon cœur a pris le maquis et ne s'en est jamais
remis. J’ai
pris le maquis, le maquis de l’âme.