L'autre
jour, dans le grenier, j'ai trouvé un journal datant de la fin de
l'avant-dernier siècle. Au début du XIXème siècle, donc, vivait
dans cette maison, une famille avec deux enfants : Elise et
Robin. Un jour que leurs parents étaient absents et la gouvernante
occupée à ranger leur chambre, ils montèrent discrètement au
grenier, lieu qui leur était interdit. Là, ils se trouvèrent face
à un miroir. La psyché oblongue au cadre de bois sculpté de roses
et de feuilles était bien plus haute qu'eux. Le reflet qu'elle leur
renvoyait était étrange, ils semblaient vaporeux dans le miroir.
Intrigués, ils s'approchèrent et se regardèrent avec plus
d'intensité : oui, ils semblaient éthérés, évanescents dans
le reflet du miroir.
L'heure du
goûter sonna la fin de la tentative d'explication de ce mystère.
Elise, treize ans nota toutefois l'incident dans son journal intime.
Le
lendemain, la jeune adolescente revint dans le grenier en milieu
d'après-midi avec Robin qui avait fêté ce jour-là ses dix ans. Il
avait été vexé que la mère d'un de ses amis qu'il avait invité à
ce goûter d'anniversaire qui fut fort joyeux, l'appelle Robin
prononcé à l'anglaise. Il aimait son prénom et à cette époque,
les gens le prononçaient généralement correctement, à la
française. Ils examinèrent de nouveau leur reflet dans le miroir
qui semblait plus évanescent que la veille. Intrigués, ils se
mirèrent dedans de longues minutes sans rien trouver de particulier.
Ils finirent par inspecter le miroir et ils virent au dos, la
signature du fabricant : « Armand TITEUGO, Rosetual,
OUTRE-MONDE. A.1884. ». Elise ne comprenait pas comment ce
miroir pouvait avoir été fabriqué dans le futur et puis elle ne
connaissait pas de pays appellé Outre-Monde ou une ville nommée
Rosetual.
Le
lendemain de cette découverte, Elise remonta seule au grenier et
elle vit que son reflet dans le miroir laissait entrevoir une ville,
son désir d'y pénétrer fut si fort qu'elle tenta d'appuyer à sa
surface sans succès. Son reflet pâlit un peu plus sur la surface du
miroir mais elle pensa que c'était l'éclairage qui faisait cela.
La nuit
venue, brûlant de curiosité, elle remonta au grenier et resta toute
la nuit à le contempler à la lueur d'une bougie. A l'aube, son
reflet était à peine visible dans le miroir. Elle le consigna dans
son journal intime tout comme le fait que sa mère la trouva pâle ce
jour-là mais elle sse sentait en forme, pourtant.
La nuit
suivante, elle retourna examiner son reflet dans le miroir, on le
discernait à peine nota-t'elle dans son journal. Au matin, on trouva
seulement le journal, une plume et un encrier au pied du miroir, on
ne revit jamais Elise. Dans le journal, les dernières phrases
étaient : « Ils me disent que pour peupler la ville comme
ils sont tous stériles, ils doivent attirer des humains, les plus
jeunes possibles pour qu'ils vivent le plus longtemps possible. Ils
ne veulent pas être seuls dans le pays d'Outre-monde. Alors, ils ont
créé ces miroirs pour que les humains attirés par la curiosité
passent le portail entre le monde des humains et le pays
d'Outre-monde qu'ils ne peuvent quitter. Ils disent que l'on est
heureux là-bas, on ne manque de rien, personne n'est pauvre ou n'a
faim, personne n'a besoin de travailler car la magie nous permet
d'avoir tout ce que l'on désire. Il n'y a donc ni envie, ni
méchanceté. Tout le monde y est heureux. ». D'après mes
recherches, la famille a déménagé peu après.
J'ai
fouillé le grenier, j'ai trouvé le miroir. Recouvert d'un drap, il était dans un coin sombre du grenier, oublié de tous et couvert d'une épaisse couche de poussière...