vendredi 30 juin 2017

Nanowrimo novembre 2016: Le fils de l'océan

   Autrefois, on racontait que dans le village de pêcheurs d'où je viens vivait le fils de l'océan. Il s’appelait, Marin , prénom qui semble prédestiné. Il avait été trouvé un matin sur la plage et recueilli par un couple de pêcheurs qui l'élevèrent comme leurs autres enfants. Tout jeune, l'enfant aimait aller face à la mer et parler aux vagues. Plus tard, il ne fut jamais si heureux que sur un bateau ou en train de nager dans les vagues.
Un jour, une fée de la mer, nommée Perline vint lui rendre visite. Il était fils de l'océan et son père le réclamait auprès de lui. Marin ne la crut pas, il vivait sur terre depuis toujours et puis, comment ce père indigne pouvait-il le réclamer après tout ce temps ? Perline lui répondit que son père était alors en guerre avec le dieu des ténèbres et a voulu le mettre à l'abri. Désormais, les choses sont apaisées et il doit prendre la suite de son père, mourant. 

Le jeune homme finit par accepter par curiosité plus que par devoir ou envie de voir ce père qui l'avait abandonné. Il découvrit qu'il pouvait respirer sous l'eau et une fois sous la mer, ils nagèrent longtemps jusqu'à ce qu'il se trouve face à un vieillard qui lui tendit son sceptre avant de rendre son dernier soupir. Marin apprit de la fée Perline tout ce qu'il devait savoir pour faire un choix éclairé. 

Il décida de ne pas choisir et de vivre à la fois sur la terre et dans la mer, faisant le lien entre les hommes de la terre et les habitants de la mer. Il sortait discrètement la nuit et marchait jusqu'à son royaume sous-marin. Il y allait parfois de jour après avoir navigué loin au large à l'abri de tous les regards. 

Tout allait parfaitement bien jusqu'à ce qu'il tombe amoureux. Il ne savait comment avouer la vérité à l'élue de son cœur mais s'il l'épousait, il lui faudrait bien expliquer ses absences nocturnes. Il finit par le lui dire et la jeune fille lui répondit qu'elle savait déjà, elle l'avait suivi un soir de pleine lune et l'avait vu entrer dans la mer pour ne pas en ressortir. Elle lui dit que son oncle le gardien de phare allait prendre sa retraite, c'était le lieu idéal pour sortir discrètement surtout qu'un tunnel communiquait directement avec la mer. Autrefois, il servait à ravitailler le phare mais il était désormais automatisé, elle pourrait apprendre le métier et le seconder durant ses absences. 

Ainsi fut fait et Marin transmit son titre et son rôle à sa première née, Morgane le moment venu.

A vol d'oiseau


L'oiseau s'élance et prend son envol
Vers les cieux de couleur feu,
Epris de liberté, il virevolte
En chantant sous les cieux
Embrasés par le soleil couchant.

jeudi 29 juin 2017

Musique nocturne


Dans la nuit, le chant s'élève,
Le cœur battant le dormeur se relève.
Il enfile sa robe de chambre
Et il commence à descendre.

Sans bruit, il suit le chant
Jusqu'à la salle principale où une foule de gens
Danse au rythme de la musique
Qu'il entend maintenant ;
Des ombres glissent sur le parquet et virevoltent sans bruit sur le parquet qui craque et crie.


mercredi 28 juin 2017

Bal d'automne


Les feuilles de cuivre tombent lentement
Et recouvrent le chemin d'un parquet craquant
Que balaie bientôt le vent
Pour dégager une piste de danse pour les enfants.

mardi 27 juin 2017

Jeu d'enfant

Joueuse, elle berce la barque
De ses bras froids.
Lorsqu'elle se retourne, elle s'esclaffe
De voir le poète endormi dans son frêle esquif battre des bras.

Avec gentillesse, elle tente de le ramener vers le rivage,
Mais le poète imprudent s'ébroue et proteste,
Il rejoint la plage à la nage.
Vexé, l'Océan a cessé son jeu sans demander son reste.

lundi 26 juin 2017

Promenade sans but


Triste, la jeune femme erre dans le parc,
Fantôme qui sillonne les allées, tout le jour.
Par la fenêtre, un homme la regarde près du petit lac,
Il voit son ombre se mouvoir jour après jour.
Il n'ose approcher l'ombre
Qui erre ainsi sans but,
Il ne sait pas que sa tombe,
Se trouve dans la butte
Près du petit lac.

dimanche 25 juin 2017

Sommeil froid

Ses boucles cuivrées couvrent l'oreiller, elle dort.
Dans son sommeil, elle ne voit pas, le liquide
Imbiber le drap puis le matelas. Son corps
Perd sa chaleur à mesure que de sa vie, elle se vide.

samedi 24 juin 2017

Danse mortuaire

Dans son linceul, à la blancheur éclatante,
La Mort danse sous la pleine lune.
Elle agite des chaînes qui cliquettent dans la brume
Et elle danse en cadence parmi les tombes solitaires. Un habitant de plus ce soir, elle est contente.

vendredi 23 juin 2017

Promenade en forêt


Le nez au vent, le jeune homme
Se promène dans la forêt ; solitaire,
Il écoute les bruits alentour qui résonnent
Partout dans le sous-bois. Chant éphèmère.
Il marche sur une branche,
La forêt se tait,
Sa présence déclenche,
Un code secret de silence : tout est muet.

jeudi 22 juin 2017

Nature maîtrisée

L'oiseau gazouille dans la haie,
La haie bruisse sous le vent,
Le vent remue les fleurs,
Les fleurs ondulent en lançant leurs parfums entêtants,
Les parfums montent dans l'air ;
La tondeuse rugit et son bruit couvre le chant des oiseaux,
Le murmure du vent,
Coupe les fleurs,
L'odeur d'essence couvre leur odeur.


Nanowrimo Novembre 2016: Le piano de Satan

   Jeune musicien, étudiant au conservatoire, j'ai cassé le piano d'occasion que je possédais. Irréparable, j'ai dû me résoudre à le changer. Étudiant pauvre, j'ai écumé internet et les brocantes, les magasins proposant de l'occasion pour me procurer un nouvel instrument dans les plus brefs délais car les examens approchent.
En passant devant un magasin d'antiquités, j'ai vu un magnifique piano en vitrine à un prix défiant toute concurrence. J'ai failli passer mon chemin à cause des réparations nécessaires sur ce piano au vu de son prix mais malgré tout, je décidais d'entrer dans la boutique. Je demandais à voir le piano qui était sans la moindre éraflure, il sonnait juste, je ne comprenais pas son prix, il devait manquer un zéro sur l'étiquette ou elle avait été échangée avec une autre. Affable, le vendeur me demanda si ce piano l'intéressait ; aussi, je décidais de tenter de négocier son prix. Peut-être le possédait-il depuis longtemps et voulait-il s'en débarrasser car il prenait de la place dans sa boutique ? Il me confirma son prix et à mes questions, me répondit qu'il possédait ce piano depuis de longues années et qu'il ne trouvait pas d'acheteurs. Peu à peu, il en a baissé le prix. Il semblait en bon état, je le pris.

  Une fois installé chez moi, je le nettoyais, même s'il n'en avait pas besoin. Je l'inspectais de nouveau sous tous les angles à la recherche du nom du fabricant que je n'avais pas trouvé mais je ne trouvais qu'un nom inconnu : S. Méphistophélès. D 'après le nom, je supposais qu'il était d'origine grecque mais je n'avais pas connaissance qu'ils fabriquaient des pianos dans les temps anciens car ce piano était ancien à n'en point douter malgré son étonnant état de conservation. C'était certainement un élément d'explication de son prix étonnament bas. 

  Le piano fonctionnait, il sonnait juste, c'était l'essentiel. Ce soir-là, je ne poussais pas plus avant mon essai de ce piano même si j'en brûlais d'impatience car je devais aller à une conférence sur la musique baroque. La conférence se termina tard et je ne jouais pas ce soir là, trop fatigué pour cela. 

  Le lendemain, reposé et une tasse de café fumante à proximité, je sortis mes partitions les plus simples pour m'habituer à mon nouvel instrument. Il sonnait étrangement comme si le son était lointain, venu d'ailleurs. Je regardais de nouveau l'instrument sous toutes les coutures mais je ne trouvais rien d'étrange. J'en déduis que le bois devait être la cause de ce son étrange et même quelque peu déplaisant. Je décidais de jouer sur l'instrument pour m'y habituer. 

  Lorsque je jouais un morceau du requiem de Mozart, l'instrument réagit bizarrement. Comme si le piano refusait de jouer les notes. Intrigué, je jouais un morceau plus simple que je jouais sans difficulté malgré la résonance étrange du son du piano.Après quelques jours de travail, je me rendit à l'évidence : je ne pouvais jouer correctement les œuvres religieuses. Je ne comprenais pas jusqu'à ce que je me souvienne de l'inscription trouvée quelques jours plus tôt : Méphistos ! 

  Je mis quelques jours avant de prendre ma décision. Mais une nuit, la curiosité l'emporta sur la peur. A minuit, je jouais La damnation de Faust et Méphistos apparut devant moi, prêt à m'emporter. Dans ma terreur, je récitais un Ave Maria. Ses yeux rouges se plissèrent et me regardèrent avec cruauté tandis que je marmonnais les mots latins sans les comprendre, incapable de réfléchir. Il poussa un hurlement qui ébranla les murs et réveilla les voisins avant de disparaître dans la nuit. Je fis comme tous les voisins, j'ouvris ma porte en demandant ce qui se passait, j'étais seulement un peu plus pâle que les autres voisins. Nous finîmes par aller nous recoucher sans chercher à résoudre cette énigme. Je ne pus dormir cette nuit-là mais au matin, j'avais pris ma décision. 

  Le lendemain matin, un prêtre exorciste vint examiner le piano. Je ne sais ce qu'il fit exactement car je restais dans ma chambre, tremblant de peur. J'entendis des prières en latin dites à voix hautes, une voix caverneuse répondre au prêtre exorciste, du bruit de verre brisé et les murs tremblèrent. Puis ce fut le silence et le prêtre exténué vint me voir : le piano était exorcisé.

  Il me fallut six mois pour oser m'approcher de ce piano et tenter de jouer dessus, tant le souvenir de cette nuit-là était intense. Il avait toujours ce son étrange, unique mais ne réagissais plus quel que soit le morceau que je jouais. Je l'ai gardé et c'est toujours mon instrument de travail. Je prends seulement garde à ne plus jouer après minuit. Quand minuit est près de sonner, je referme le piano et je vais me coucher en frissonnant au souvenir d'une certaine nuit...


mercredi 21 juin 2017

FFM veut prendre la lune avec les dents

  Il était une fois, dans un pays pas si lointain, il n’y a pas bien longtemps non plus, un petit garçon qui rêvait d’horizons lointains. Fasciné par la nuit, il passait le plus clair de ses insomnies à observer les étoiles, assis sur le rebord de la fenêtre ouverte de sa chambre. Lorsque la température descendait, il rêvassait derrière la fenêtre fermée, à l’abri derrière la vitre, en regrettant de ne pouvoir être plus près des étoiles. Les années ont passé et le petit garçon a grandi, les yeux levés vers le ciel.

  Une nuit d’été, Fiacre-Firmin regarde la lune se lever comme à l’accoutumée. Appelé Fortunately Fascinated by Moonrise, abrégé en FFM, par son entourage en manière de moquerie, il n’en avait cure malgré ses seize ans. Il aime la lune et la regarder monter dans le ciel lorsque le ciel est dégagé le remplit d’extase ; si les gens préfèrent se moquer de lui au lieu de tenter de comprendre la beauté de ce spectacle, tant pis pour eux. Ce soir-là, comme nous l’avons dit, il regarde la lune se lever. Les yeux perdus dans l’immensité du ciel, il rêvasse sans prendre garde aux bruits alentour. Il songe à une expression qu’il a lu dans un livre poussiéreux. Prendre la lune avec les dents signifie obtenir quelque chose d’impossible. En dépit de son jeune âge, il voudrait pouvoir observer l’astre lunaire autant qu’il le souhaite malgré l’heure tardive. Pour l’adolescent, ce rêve paraît inaccessible. Ses parents refusent qu’il veille après minuit et encore moins qu’il observe la lune à l’extérieur, sauf en cas d’éclipse. Une super lune n’est pas un argument suffisant pour obtenir le droit d’observer l’astre qui le fascine. Perdu dans ses pensées, lorsque le miaulement de son chat le fait sursauter, il tombe du rebord de la fenêtre où il se tient en équilibre précaire. Et cette chute lui donne un prétexte pour observer la pleine lune, grosse et lumineuse, qui brille dans le ciel.

  Honteux, il ne lui restera plus qu’à sonner à la porte pour que ses parents viennent lui ouvrir. En effet, il est tombé du premier étage droit dans les bras griffus de la haie. Il ne s’est pas vraiment fait mal grâce à la faible hauteur mais malgré tout, il ne peut pas grimper sur le rebord sans aide. Tremblant sous le choc de cette chute imprévue, il s’examine à la lueur de la lune moqueuse et constate que seules quelques égratignures ornent ses mains. Frissonnant de froid, il se dirige vers la porte en priant pour que le voisin ne le remarque pas traverser le jardin dans son pyjama orné de fusées et de vaisseaux spatiaux. Il l’adore mais il parait que ce n’était plus de son âge. A seize ans, il estime avoir le droit de porter ce qui lui plaît sans devoir subir les jugements des autres. Il s’arrête sur le chemin, jette un regard à l’objet de sa convoitise et il hésite à observer la lune durant quelques minutes. Mais si ses parents se lèvent et le voient là, il ne pourra pas prétendre que c’est un accident.

- Bonsoir !
Le murmure vient de l’entrée du jardin. Intrigué, FF Moonrise se fige puis il se dirige vers le portillon de bois blanc. Un garçon de son âge l’attend dans la rue.
- Je suis le voisin, Gondebaud. Tu t’appelles comment ?
- Je m’appelle Fiacre-Firmin, je voulais regarder la super pleine lune et je suis tombé de ma fenêtre.
Gondebaud glousse doucement. Sa peau claire qui tranche avec ses cheveux noirs coiffés en bataille brille sous la lune.
- Tu es comme moi, un enfant de la pleine lune mais tu n’as pas le droit de sortir seul ? Tu es jeune pour te promener seul dehors. constate Gondebaud.
- Oui, je n’ai pas le droit de sortir seul et j’aime la lune. Tu es atteint de la maladie des enfants de la lune ? C’est pour ça que je ne t’ai jamais vu dans le quartier et que ta peau est si pâle ?
Gondebaud le regarde quelques instants, la tête sur le côté, il semble réfléchir.
- Viens, je connais un endroit d’où l’on peut voir la lune et les étoiles sans que la lumière des lampadaires occulte leur éclat. Moi aussi, j’aime la nuit mais personne ne me comprend, les gens de cette époque ne comprennent rien aux charmes de la nature.
- C’est loin ? Si mes parents s’aperçoivent de mon absence, je suis privé de sortie jusqu’à mes dix-huit ans.
- Non, c’est à quelques minutes à pied et tu es déjà dehors. En plus, tes parents dorment. Tu viens ?
- Seulement si tu me fais la courte échelle pour rejoindre ma chambre.
Les mains dans les poches de son costume noir, Gondebaud regarde la fenêtre ouverte sur la nuit et il acquiesce, un léger sourire aux lèvres.

  Fiacre-Firmin suit son nouvel ami. Ses pieds nus claquent doucement sur le bitume encore chaud, il trouve cette sensation agréable. Lorsqu’il lève les yeux vers la lune, les arbres du voisin ne masquent plus son éclat et elle brille de toute sa splendeur. Il s’arrête au milieu de la route mais Gondebaud le tire par la manche, une voiture pourrait survenir, il n’est pas prudent de rester ici. Ils commencent à s’enfoncer dans le chemin qui mène à la rivière proche, les arbres se font plus nombreux.
- Viens, je connais un endroit idéal pour observer la lune ! Tu verras, la vue est magnifique sous la lumière argentée de la lune. 
Ils descendent vers la rivière, traversent le petit pont de bois avant de grimper sur un haut talus. Gondebaud a raison, la lune brille de tout son éclat loin des éclairages artificiels. Fiacre-Firmin admire l’astre nocturne qui le baigne de sa lumière blafarde. Perdu dans sa contemplation, plus rien ne compte hormis l’objet de sa fascination.
  Il sent soudain des bras enserrer son torse et des lèvres douces se poser sur son cou. Surpris, il se raidit dans les bras de son compagnon qui l’attire à lui sans remarquer son trouble.
- Heu, je n’aime pas les garçons, je préfère les filles, même si je m’estime trop jeune pour ça.
Gondebaud rit doucement de son malaise. Le jeune garçon n’a pas le temps de se dégager des bras mollement passés autour de lui qu’ils se transforment en étau et que deux pointes se plantent dans son cou.

Note:
Prendre la lune avec les dents
Se dit en parlant d’une chose qu’il est impossible de faire. Wikipédia

mardi 20 juin 2017

Rencontre le temps d’un déjeuner sur un banc

  La femme s’est assise sur son banc habituel pour déjeuner comme chaque jour. Elle profite du soleil et du chant des oiseaux en mordant dans un sandwich. En ce vendredi, elle songe au week-end solitaire qui l’attend.

  Un homme s’assoit à côté d’elle et se cache derrière son journal. Un coup de vent fait s’envoler une page et elle court après par réflexe.
- Merci, dit-il avec un grand sourire.
- De rien !
- En fait, je ne vous avais pas vue, j’étais absorbé dans ma lecture et je suis de nature distraite.
- Je déjeune toujours sur ce banc, il n’y a jamais personne et les gens passent sans me voir.
- Comme partout.
- Comme toujours.
- Vous travaillez à côté ?
- Oui, à la banque au coin de la rue.
- Mais moi aussi !
- Nous ne sommes jamais croisés, c’est étrange.
- Personne ne fait attention à personne de toutes manières.
- Allons boire quelque chose avant de reprendre le travail, il fait chaud et nous avons le temps d’aller à la buvette juste à côté.

 - Souvent je regarde les gens et je me demande pourquoi, de nos jours, il est si difficile de communiquer alors que jamais il n’y a eu autant de moyens de communication. Mon collègue de bureau par exemple, je sais beaucoup de choses de lui car j’ai pris le temps de l’interroger mais lui n’a jamais pris le temps de me considérer comme un être humain.
- Je regrette le temps où l’on se faisait la bise ou l’on se serrait la main entre collègues. Vous savez, il y a des jours où personne ne me touche ou me sourit.
- Je vous comprends et je regrette aussi cette solitude alors que je suis entourée de tant de gens. Mais j’ai l’espoir que cela change avec un peu de gentillesse et d’écoute, un regard ou une poignée de main peut créer un lien ténu entre deux individus. Mes collègues fuient le regard des autres ; parfois je souris et je me retrouve à sourire bêtement car personne n’y répond. Alors, de dépit, je replonge le nez sur mon clavier. Même lorsque les gens se touchent par inadvertance en prenant le café, ils ont un mouvement de recul.

- Fais-moi un câlin !
- Quoi ? Mais ma pause déjeuner est presque terminée !
- Allez-y !
Les bras grands ouverts, l’homme en costume noir attend. Avec un sourire, la femme en élégant tailleur bleu marine se blottit dedans, elle sent son parfum et écoute le bruit de sa respiration.
- Merci ! Déjeunons ensemble demain. Deux solitudes mises ensemble font deux bons amis.

  En se séparant pour rejoindre leurs bureaux respectifs, l’homme et la femme si disent que ce moment de confiance éphémère était une parenthèse de rêve dans la morne réalité.

lundi 19 juin 2017

Rives opposées dans le temps et l'espace

   Le soleil se lève sur l'écluse, la lumière dorée réveille la terre et l'eau. Je me promène, appareil photo en bandoulière, j'admire le paysage, l'écluse, l'eau qui chante, je suis heureux. La journée s'annonce magnifique et je n'ai rien de prévu. Les mains dans les poches, je marche tranquillement, j'ai le temps de profiter du calme matinal de ce lieu magique. Je réfléchis au prochain article que je dois écrire pour une revue, il me reste deux semaines pour l'envoyer mais je ne trouve pas l'inspiration. Si jamais je ne rendais pas le papier à temps, le rédacteur en chef pourrait rompre mon contrat avec le magazine. Je suis photographe de formation et j'ai toujours du mal à trouver de bonnes idées d'articles puis à les rédiger. Je n'ai pas l’œil pour cela, je dois toujours réfléchir et demander des conseils à mon entourage. Hélas, c'est le seul moyen dont je dispose actuellement pour vivre de ma passion, j'insère mes photographies signées dans mes articles dans l'espoir que l'on me remarque. Cette publicité gratuite et ce salaire me sont indispensables pour vivre de ma passion.

  Interdit, je m'arrête ; je viens de remarquer que sur l'autre rive, tout est blanc, l'herbe est gelée et les arbres nus ont perdu leurs feuilles. Intrigué, je me retourne ; derrière moi, les arbres sont parés de leurs habits d'automne. Je baisse les yeux ; des feuilles mortes craquent sous mes pas, jaunes, oranges et rouges, elles forment un tapis multicolore.  Mes yeux font le va-et-vient à plusieurs reprises comme pour s'assurer qu'ils n'ont pas contracté la berlue dans la nuit. Je cours jusqu'à l'écluse que j'examine avec minutie : c'est incroyable, une moitié de l'écluse est gelée et recouverte de givre, l'autre est simplement froide.
 
  Je prends quelques clichés du phénomène et je rentre chez moi. En traversant la ville, j'observe autour de moi, la ville est parée aux couleurs de l'automne. Les feuilles des arbres sont vertes, rouges, jaunes mais il n'y a nulle trace de givre et les arbres ne sont pas encore dépouillés de leurs atours. Il y a bien quelque chose près de l'écluse.
 
  Sur mon écran d'ordinateur, les images s'affichent, je ne me trompe pas : une berge vit à l'heure d'automne, l'autre à l'heure d'hiver. Une tasse de café à la main, je cherche une explication sur internet, je ne trouve rien trouvé à ce sujet. Je vide ma tasse et je contacte des botanistes, des biologistes et des climatologues ; aucun n'a pu me fournir une explication à ce phénomène incongru. Ils évoquent le changement climatique ou un parasite sans m'en dire plus. Ils me disent que ce n'est pas important ou que je ne dois pas m'en inquiéter. Mais tout au fond de moi, je sais que quelque chose ne tourne pas rond.  J'observe attentivement le cliché, je zoome mais je ne trouve aucun indice probant. L'eau n'est pas gelée, l'écluse non plus. Seule la rive opposée serait en hiver.
 
Il m'arrive d'écrire des chroniques pour des revues sérieuses et je sens que je tiens un sujet. Je consulte ma montre, il est encore tôt, j'ai le temps de retourner sur place. Je me promène sur la berge des deux côtés de la rive, je refais des clichés et j'observe. J'observe les animaux, les plantes, les pierres, l'aspect de l'eau. Tout me semble parfaitement normal, je ne comprends pas ce qui se passe. Hormis que les deux rives vivent dans deux saisons différentes, je ne remarque rien.
  
 Je pratique quelques expériences pour en avoir le cœur net. Thermomètre en main, je fais des relevés de température sur les deux rives qui affichent une différence de quinze degrés Celsius. Je note qu'il y a moins d'animaux et de plantes sur la rive gelée ; a contrario, sur la rive automnale, les écureuils bondissent dans les arbres pour faire leurs provisions pour l'hiver et les oiseaux chantent. Les champignons sont abondants et les châtaignes jonchent le sol.
 
Tandis que le soir tombe, je renonce à trouver une explication et je m'abîme dans la contemplation des deux rives opposées, si différentes qui se font face illuminées par le soleil couchant. Je reviendrai faire des clichés demain mais ce soir, je veux juste m'imprégner de cette atmosphère de merveilleux et de mystère. Demain, la rive sera envahie de scientifiques.

  Le lendemain, je rédige mon article dans mon bureau. Inspiré, j'y mets un point final en quelques heures puis je l'envoie par email. Fébrile, j'attends une réponse. Le directeur de la publication m'appelle sur mon portable, il est ravi : il va publier mon article.
 
  Le mercredi suivant, lors de sa parution, le magazine est le premier à avoir relaté le phénomène, les ventes dans la région ont décuplé. J'ai reçu une prime pour cet article rentable, un remerciement et rien de plus. Je propose au directeur de la publication de chercher une explication, il me dit que le public aura oublié tout ceci dans deux mois, c'est une perte de temps. Je reste sur ma faim et je décide de poursuivre mes investigations par moi-même, cette histoire m'obsède.
 
 Quelques mois plus tard, je lis sur internet un article qui traite du phénomène : la chute de température et le manque de lumière sont les deux facteurs à l'origine de cette différence. J'avais bien remarqué la différence de température dans mon relevé le jour de la fameuse promenade mais ce n'est pas une explication satisfaisante. Je contacte l'équipe qui a effectué l'enquête et ils acceptent de me recevoir en entretien.
 
  Le jour dit, j'entre dans un laboratoire moderne, immaculé avec de larges fenêtres. Trois scientifiques en blouse blanche me reçoivent, ils ont étudié le phénomène.
- La vérité, c'est que nous n'avons pas d'explications. Nous avons étudié la lumière, la photosynthèse du lieu, les vents. Nous avons effectué des relevés et des échantillonnages de terre, de feuilles, d'insectes sur les deux rives. On a même effectués des relevés d'eau et fait des carottages dans la rivière. Rien, niet, nada !
- On n'en sait rien ! Je suis entomologiste, j'ai bien remarqué que les insectes trouvés sur place réagissaient en fonction de la saison où ils pensaient être, il n'y a rien d'anormal à cela, croyez-moi. Ils se sont simplement adaptés à l'environnement.
- On a pensé au réchauffement climatique. Pardon, je suis climatologue  et un confrère m'a envoyé l'article qui relate votre découverte. Votre article si je me trompe pas. Bref, nous avons une station météo dans le coin, le truc classique hein. Thermomètre, anémomètre, hygromètre, la totale ! Les relevés n'ont rien montré de particulier. Vous comprenez ce que ça veut dire ? Ce phénomène est sous notre nez depuis des années et on n'a rien remarqué !
Il rit mais je ne ris pas. Je n'ai toujours pas d'explication.
  Dépité, je les remercie, les salue et je rentre chez moi. Cet article aurait pu être la chance de ma carrière mais le public le boude, les scientifiques n'ont pas d'explications et mon patron ne s'intéresse qu'aux chiffres. Je regarde le ciel et je me dis que j'ai eu ma minute de gloire, je suis « le photographe aux rives opposées dans le temps et l'espace ».

dimanche 18 juin 2017

Réveil difficile sur l'inconnu

- Ca y est, j'ai encore dit n'importe quoi !
Je me prends la tête dans les mains en me demandant ce qui m'a pris de répondre au professeur. J'aurais mieux fait de continuer à jouer les mauvais élèves en restant au fond de la classe près du radiateur comme le font tous les mauvais élèves. Rester invisible, telle est ma devise la majorité du temps, mais je n'ai pas pu me retenir par ennui et aussi par lassitude de rester invisible par réflexe de survie.
- C'est exact Tanguy, peux-tu nous expliquer ton raisonnement ?
J'explique avec des mots simples  car mes camarades ont du mal avec les mots trop compliqués, je répète, même si je n'en vois pas l'intérêt et je donne des exemples. J'ai déjà vu ce cours le mois dernier, cette répétition est d'un ennui mortel. Mais c'est reposant car ça me change des notions que je suis supposé connaître sur lesquelles je dois faire discrètement des recherches dans les pages de mon livre pour suivre ce qui se dit.
 
La sonnerie annonce la fin des cours. Le lycéen de dix-sept ans que je suis soupire de soulagement, une journée de cours de terminée ! Une de plus ! Je rentre chez moi toujours en traînant des pieds. Je dis bonjour à mes parents et je monte dans ma chambre en mettant la musique à fond dans la limite du raisonnable pour arrêter de penser, m'isoler dans mon monde imaginaire pour ne pas devenir fou. Comme toujours depuis que je suis ici, je m'enroule dans une couverture affalé sur mon lit en étouffant mes sanglots dans mon oreiller. J'essaie de ne pas penser à ma vraie vie, ma vie d'avant pour ne pas fondre en larmes et alerter les adultes qui écoutent la radio au rez-de-chaussée.
 
Enfin, pour être tout à fait honnête, je me suis enfermé dans « leur » chambre, dans « leur » maison, affalé sur « leur » lit étreignant « leur » oreiller en masquant mes sanglots au moyen de « leurs » CD. En vrai, je ne m'appelle pas Tanguy, je m'appelle Hugo. Hugo JONVILLE qui n'a rien à voir avec Tanguy LURIN, si ce n'est que nous semblons être la même personne. La vérité, c'est qu'un matin, il y a trois semaines environ, je me suis réveillé dans une maison étrangère, un lit et des draps étrangers, une maison étrangère. J'ai enroulé l'oreiller de mes bras et c'est là que je l'ai sentie : l'odeur ! Ca sentait le propre mais pas comme d'habitude, oui, ça sentait la lessive et une autre odeur inconnue. J'avais ouvert les yeux, l'esprit encore embrumé de sommeil, sur une tapisserie ocre avec des feuilles de palmier vert pâle qui n'avait rien à voir avec ma tapisserie gris perle habituelle. Je ne connaissais pas cette chambre, cette maison et j'allais le découvrir, ses occupants. J'ai retrouvé cette odeur inconnue sur les vêtements de l'armoire, bref, partout dans cette chambre. Ce matin-là, j'avais regardé autour de moi, fouillé un peu partout frénétiquement jusqu'à ce que ma « mère » me presse de m'habiller ; intimidé à l'idée de me présenter en pyjama devant cette inconnue, j'ai pris des vêtements au hasard dans l'armoire, trouvé la salle de bain pour me doucher en espérant qu'une douche chaude me réveillerait de ce mauvais rêve. Encore mal réveillé, j'ai regardé autour de moi et par la fenêtre en me disant que cette maison est chouette, avec un jardin, grande et dans un beau quartier calme. Je n'avais pas changé d'apparence, rien bu d'alcoolisé la veille, je me suis juste réveillé dans une maison inconnue. Avec des parents inconnus qui me connaissaient et m'appelaient Tanguy. J'ai bien senti que quelque chose clochait mais j'ai mangé mes céréales sans rien dire, je devais réfléchir. Ma douche m'avait permis de mûrir ma décision pour ne pas me retrouver chez un psychiatre ou enfermé chez les fous. Peut-être que j'étais drogué et victime d'une hallucination qui se terminerait le soir même ? J'ai ravalé mes questions et je suis sorti pour réfléchir, loin du regard inquisiteur de mon « père » qui lisait le journal d'un air sévère.
 
J'ai dû faire semblant d'aller au lycée, j'ai trouvé l'adresse dans le carnet de correspondance avec un emploi du temps mais comme je ne savais pas du tout où aller et que je n'avais pas d'argent, j'ai décidé d'y aller. Le nom du lycée était dans le carnet de correspondance et un panneau l'indiquait. J'ai fait un petit plan pour retrouver mon chemin le soir et filé au lycée, j'aurais un toit pour la journée, il commençait à pleuvoir, je pourrais poser des questions aux élèves, quitte à passer pour un fou et manger un repas chaud le midi (j'avais trouvé une carte de cantine dans mon sac). Et surtout, je pourrais réfléchir sans risquer d'être questionné par la police municipale et ramené chez mes « parents ». J'avais assez d'ennuis comme ça pour en plus, récolter une dispute et sans doute des heures de retenue pour absence injustifiée.
 
Le lycée était une grande bâtisse blanche, élégante pour un lycée, avec un grand parc arboré, bref, pas un lycée de banlieue comme celui d'où je venais. Je ne savais pas où aller quand une fille aux longs cheveux blonds et raides m'a interpellé : Tanguy, on est là ! Elle était avec un jeune homme aux cheveux bruns en bataille assortis à des yeux verts. Tous deux semblaient sympathiques et visiblement ils m'attendaient. Je leur ai dit bonjour, en essayant de cacher mon malaise sous le prétexte que j'avais un peu mal au ventre ce matin-là et mal dormi durant la nuit. Je les ai suivis pour aller en cours ; apparemment, on était dans la même classe. Je ne disais rien mais j'écoutais pour recueillir des informations : elle, c'est Pauline ; lui, c'est Justin. On est dans la même classe et il semblerait qu'on était au cinéma samedi soir, il y a trois jours. On a été voir un film historique, je préfère les films d'action d'habitude mais apparemment, c'était un très joli film à la mode. Ils en parlaient tous les deux, je ne connaissais ni les acteurs, ni l'intrigue du film donc j'ai jugé plus prudent de rien dire. J'ai regardé autour de moi, c'est un lycée chic avec une salle de musique et une salle de sculpture si je me fie aux panneaux indicateurs de l'entrée principale.
 
J'ai suivi mes « amis » dans une salle de cours ordinaire et je me suis assis à côté d'eux sans rien dire. Une femme âgée aux longs cheveux d'argent pur est entrée et a commencé son cours de mathématiques. Pendant le cours, je réfléchissais : je ne connaissais pas ce lycée, je ne connaissais personne ici, ni cette ville, ni ma « famille ». J'étais dans le bon lycée et la bonne classe près de mes « amis » par chance. Je ne savais même pas en quelle année, on était mais un coup d’œil à mon agenda me l'apprit. On était en deux mille dix-sept comme là d'où je viens, je m’appelle Tanguy LURIN et non plus, Hugo JONVILLE. J'ai dix-sept ans et non plus, dix-huit, dommage, je perds les bénéfices de la majorité ! J'ai deux parents médecin pour l'un car dans la case « Personne à prévenir en cas d'accident » est mentionné Docteur LURIN, sans savoir s'il s'agit de mon « père » ou de ma « mère » avec un numéro de téléphone et une adresse inconnus. J'ai feuilleté distraitement mon agenda et mon carnet de correspondance : je suis bon élève, je n'ai pas trouvé mention de retenues ou d'avertissements cette année, mes notes dépassent la moyenne dans toutes les matières.
Le midi, j'ai abandonné mes « amis » en prétextant une course urgente à faire et j'ai couru au C.D.I.. Je voulais me connecter à ma boîte email pour voir si elle était toujours accessible. Le fournisseur d'accès n'existait pas d'après mes recherches sur un appareil qui donne accès à un équivalent d'internet. Mais j'ai trouvé une messagerie gratuite, je me suis créé un compte pour envoyer des emails aux gens dont je connaissais les adresses email par cœur en leur demandant s'ils me connaissaient mais je n'ai jamais reçu de réponse de leur part, juste un message d'erreur. Pris de panique, j'ai cherché le numéro de téléphone de mes meilleurs amis sur l'annuaire internet, ils n'existaient pas ; j'ai appelé depuis la cabine téléphonique du lycée grâce à la carte téléphonique trouvée dans mon porte-monnaie car je connais leur numéro par cœur, les numéros n'étaient pas attribués. Mon cœur toquait dans ma poitrine, j'ai cru qu'il allait casser mes côtes ! Soit j'avais inventé ma famille, mes amis et mon ancienne vie et j'étais fou soit j'avais changé d'univers. J'ai passé le reste de la pause de midi à vider mon porte-monnaie assis sur un banc isolé: monnaie inconnue, carte de transport avec ma photographie sur un réseau de bus inconnu accompagnée d'un dépliant avec les horaires du bus et le tracé de son trajet, je notais des noms d'arrêts comme bibliothèque et mairie qui pourraient toujours se révéler utiles. Tout le reste ne m'évoquait rien.
Je suis retourné en cours pour ne pas m'attirer d'ennui et pour récapituler la situation sur une feuille de brouillon : nouveau nom, nouvelle maison, nouvelle famille, nouveau lycée, nouveaux amis, plus d'ancienne famille, plus d'anciens amis. Je pensais partir pour retrouver ma famille mais j'ai vite renoncé : je n'aurais pas su où aller et j'étais trop bouleversé pour prendre le risque de me perdre. Je n'avais rien mangé ce midi-là mais j'avais la tête claire autant qu'on peut l'être dans ce genre de situation et je n'aurais rien pu avaler de toutes manières.
J'ai trouvé un livre de géographie dans mon sac de cours et j'y ai appris que je vivais dans un pays inconnu et inexistant à ma connaissance : VORGIA dont la capitale est Lytio et avec à sa tête depuis deux ans, une présidente : Jeanne VITJO. J'ai ajouté à ma liste : nouveau pays, même langue, même écriture. J'étais bien avancé ! Le soir, je bâclais mes devoirs et fis des recherches sur ce nouveau pays inconnu. Ce nouveau monde : la France et Paris n'existaient pas, ni rien de ce que je connaissais, les frontières et même les continents ne correspondaient en rien à ce que je connaissais. La faune et la flore étaient globalement semblables à ce que je connaissais malgré des noms différents.
La vraie différence se retrouve dans les lois de ce pays qui n'ont rien à voir avec celle du pays d'où je viens : il est formellement interdit d'abîmer les plantes inconnues car beaucoup sont vénéneuses et un simple contact avec la peau peut être fatal. Et il faut également se méfier des insectes, il y a beaucoup de jolis insectes colorés qui sont venimeux, comme les gracieux insectes colorés qui me rappellent les papillons, ils doivent être éliminés dès qu'une occasion se présente, c'est un devoir citoyen et il est interdit de les élever sous peine de graves sanctions. D'après mes recherches, ces espèces invasives ont été crées génétiquement et il est nécessaire de les éradiquer pour préserver l'avenir de l'humanité. Mais hormis ces deux espèces, il n'y a pas plus de nuisibles que là d'où je viens.
Mes « parents » n'étaient pas à la maison ce soir-là, ils allaient au restaurant, j'ai joué le rôle du fils modèle parfaitement apte à rester seul qui les appellera au moindre souci pour ne pas les inquiéter et surtout ne pas manquer cette chance de me retrouver seul dans cette maison inconnue. J'en profitais pour fouiller la maison : je trouvais des photographies de gens inconnus aux noms inconnus, des livres d'auteurs inconnus que j'étais supposé avoir lu, des dvd de films que je ne connaissais pas mais que j'avais dû voir. Je fouillais surtout la chambre de Tanguy et fis rapidement le tour de la maison en feuilletant quelques livres et quelques albums photo. Je remarquais que les appareils ménagers étaient semblables à ce que je connaissais et fonctionnaient de la même manière : télévision, four à micro-ondes et téléphones ne m'étaient pas inconnus, c'était une bonne nouvelle.
Tanguy n'avait pas de journal intime malheureusement car je suis sûr que j'y aurais trouvé des informations cruciales mais j'ai trouvé des photographies de ses amis et ses photos de classe, ils se connaissent depuis la maternelle apparemment. Ses bulletins de notes m'ont appris qu'il est bon élève. Ma plus grande trouvaille ce soir-là est une photographie de Tanguy : c'est mon sosie parfait, les mêmes yeux, le même nez, le même sourire, j'ai découvert que j'avais un jumeau quelque part dans une autre dimension ou une autre galaxie. Nous avions certainement échangé nos places par un procédé inconnu. Bouleversé par cette découverte, je ne dormis pas de la nuit. Au réveil, je jugeais que le meilleur moyen de rentrer chez moi était de ne pas me faire enfermer en hôpital psychiatrique et de me conformer à ce que l'on attendait de moi le temps d'en savoir plus sur ce monde et sur mon sosie.
Un soir, au journal télévisé, j'ai entendu une voix sortie tout droit de mon ancienne vie : le président français parlait en direct à la télévision. Je dressais l'oreille mais je n'en ai pas su plus car il fut remplacé par une autre annonce : « ce message nous vient de l'espace, il a été capté par le nouveau satellite Titon II lancé l'an dernier dans l'immensité de l'espace ! Il va être analysé par les plus grands experts scientifiques mais il nous vient de la planète Terre, déjà partiellement explorée par le satellite Titon I. ».
J'ai envoyé un email à l'équivalent de la NASA, j'attends une réponse, peut-être peuvent-ils m'aider à rentrer chez moi pour permettre à Tanguy de rentrer chez lui ? Me fournir des explications sur le phénomène qui nous a fait échanger nos places ? Je guette le courrier chaque jour et je vérifie ma boîte email dix fois par jour, rien ne vient pour le moment mais j'ai bon espoir de rentrer chez moi ou d'avoir des explications sur qui s'est passé. Dans le pire des cas, s'ils ne savent pas, ils se pencheront sur mon cas, c'est sûr et certain.
En attendant pour ne pas me faire démasquer, je me documente pour mieux comprendre ce monde et passer inaperçu. Je tremble toujours de faire une gaffe ou poser une question stupide. Car si on me démasque et que l'on se rend compte que je viens d'ailleurs, je risque au mieux, de me faire rejeter et devoir aller vivre ailleurs dans un pays inconnu ; au pire, des gens auront peur de l'extra-terrestre que je suis et tenteront de m'enfermer, voire de m'éliminer. Ou je deviendrai un objet d'expériences pour les scientifiques de l'équivalent de la NASA qui vont m'examiner sous toutes les coutures, me faire subir des interrogatoires ou pire, il leur prendra l'envie de me disséquer sans tenir compte de mon statut d'espèce évoluée mais c'est un risque que je prends, je suis prêt à coopérer et leur fournir presque toutes les informations qu'ils veulent car je ne vois pas d'autre solution pour rentrer chez moi. Et puis, je m'en veux de mentir à mes « parents » qui élèvent un petit extra-terrestre sans le savoir. Et s'ils ne peuvent pas m'aider, je ne vois pas qui pourra le faire, je devrais me construire une vie ici en gardant l'espoir qu'un jour, je me réveille chez moi dans ma vraie maison, ma vraie chambre et mon vrai corps dans ma vraie famille qui me manque tant. Je me demande s'ils se sont rendu compte de ma disparition. En attendant, j'ai acheté deux cahiers épais avec l'argent de poche donné par mes « parents » dans lequel je consigne mon histoire pour ne rien oublier de ma vie d'avant et un journal où je note mes observations, j'espère qu'un jour, je rentrerai chez moi et que ce cahier sera un témoignage détaillé de ma vie ici qui pourra instruire les scientifiques du monde entier. Et surtout, ce cahier est une preuve que je ne suis pas fou et que je n'ai pas inventé cette histoire, que je suis bien un homo sapiens sapiens de la planète Terre.

samedi 17 juin 2017

Rune d'ambre: Epilogue

  Durant plusieurs semaines, ils réfléchissent à leur idée. Traités comme des adolescents, ils continuent à feindre l’amnésie pour éviter les questions. La rentrée approche et leurs parents insistent pour qu’ils reprennent leurs études. Alors, ils savent : leur place est en Berethiel- Nienor où une brillante carrière de magiciens les attend.
 
  Désormais âgés de dix-huit ans, ils en discutent longuement lorsqu’ils se voient. Ils ont retrouvé leurs amis mais ils sont différents, dans un autre monde. Le royaume leur manque alors ils décident d’enchanter une toile, une minuscule toile qui mène chez la sorcière Raya.
 
–—
 
« Papa, Maman,
 
J’ai découvert un nouveau monde et j’ai décidé d’y vivre, une brillante carrière m’y attend ainsi que des amis très chers. Je reviendrai souvent, très souvent. La petite toile que je vous offre est une fenêtre sur le monde de Berethiel-Nienor et la porte pour venir vous retrouver. Elle est enchantée, ne la perdez pas.
 
A très bientôt. »

Attraction atomique

- Non mais c'est une blague ? Tu me fais marcher !
Dimitri la regarde par-dessus ses fines lunettes ; les cheveux en bataille, le biologiste relit les feuillets qu'il tient du bout des doigts comme s'ils allaient les lui mordre.
- Bon. Pour répondre à ta question, non, a priori et pour autant que j'en sache, si je me base sur mon expérience et mes connaissances, ce n'est pas possible. Mais c'est toi le chimiste, c'est donc à toi de me donner la réponse, non ?
- Virginie, tu sais que si j'avais la réponse, je n'aurais pas fait deux heures de métro pour venir te voir. Tu es ma meilleure amie et une biologiste émérite. Écoute, le patient, appelons-le Monsieur P. ; P comme patient, bref...  Il est entré au C.H.U. pour des douleurs et des sensations de cause inconnue : difficulté à respirer, peau qui semble se tendre. Après analyse par l'équipe du laboratoire de l'hôpital universitaire, il s'est avéré que ses cellules s'agglutinent entre elles sans raison apparente. Une fois accrochées les unes aux autres, elles continuent à fonctionner normalement durant un certain temps. Mais elles continuent à se rapprocher  jusqu'à se trouver compressées et s'effondrent les unes sur les autres. Ses cellules s'écrasent les unes sur les autres, tu comprends ?
- Une nouvelle forme d'apoptose, de mort cellulaire ? Ou de cancer ?
-  Non, l'apoptose est causée par un arrêt des divisions cellulaires et le cancer est une multiplication anarchique des cellules. C'est totalement différent, elles se regroupent et s'accrochent entre elles.
- Dimitri, il faut sauver ce patient. Et mieux comprendre ce phénomène unique en son genre.

 Le lendemain, nos deux amis se rendent au C.H.U. pour rencontrer le patient et son médecin. Le médecin les reçoit aussitôt dans une salle de réunion. Durant une heure, il leur explique le cas qui les intéresse : le patient avait consulté son médecin traitant pour des nausées, des vertiges et des tiraillements au niveau de la peau et du cuir chevelu. Des analyses avaient révélé des cellules collées entre elles, serrées les unes contre les autres. C'est pourquoi, son médecin le lui avait envoyé, il craignait une nouvelle forme de cancer et ne savait pas du tout comment traiter le phénomène ni vers qui l'envoyer. Il avait pensé à un cancérologue mais le cas lui semblait trop complexe. Les cellules de ce monsieur risquent de s'effondrer sur elles-même et de causer la mort du patient. Mais ils ne peuvent expliquer le phénomène.

  Un peu plus tard, Virginie et Dimitri rencontrent le patient ; il lisait un livre dans sa chambre d'hôpital quand ils frappent à sa porte. Bien qu'un peu pâle, il semble en parfaite santé. L'homme entre deux âges leur raconte son histoire : depuis quelques temps, il était fatigué mais il mettait ce phénomène sur le compte de l'hiver. Puis, il avait souffert de douleurs dans tout le corps, parfois, il respirait difficilement, sa peau paraissait desséchée et tendue, il était continuellement fatigué. Au début, il avait mis ces désagréments sur le compte de l'hiver froid et qui n'en finissait pas ainsi que sur le manque de soleil et de vitamines. Mais l'arrivée du printemps n'avait rien changé.
- Donc vous souffrez de ces désagréments depuis plus de trois mois ?, s'étonne Virginie en prenant des notes sur un calepin.
- Oui, j'ai mis du temps à consulter mais je ne me suis pas inquiété non plus, au départ. Vous pensez pouvoir m'aider ?
- Honnêtement, je l'ignore. On essaie de comprendre pour l'instant ; ensuite, viendra le temps de trouver un remède. D'ailleurs, on vous a donné quoi comme traitement, demande-t'elle en prenant le sachet contenant les médicaments, posé sur la table.
- Des vitamines, des oligo-éléments et c'est tout pour l'instant. On m'a parlé de chimiothérapie mais ils veulent s'assurer que c'est bien un cancer avant de l'envisager.
- Je vois ; en fait, vous n'avez pas été traité depuis le début du phénomène. Donc, on ne sait pas ce qui marche ou pas, enchaîna Dimitri en jouant avec son stylo. Bien, je crois qu'on va vous laisser. On vous tiendra au courant s'il y a du nouveau.
 
Dans le couloir, ils se concertent ; le temps leur est compté s'ils veulent espérer sauver la vie de ce patient. Des antibiotiques ou une chimiothérapie seraient sans doute inefficaces pour traiter ce phénomène. On pouvait envisager une thérapie génique si on trouvait la cause du problème.
- Je veux dire que si ce phénomène résulte d'une anomalie génétique, on pourrait peut-être le traiter., reprit Virginie. On va commencer par demander une analyse ADN.
Quelques jours plus tard, les résultats tombent, le patient souffre bien d'une anomalie génétique. Lors de la division cellulaire, une portion essentielle du brin d'ADN s'est mal répliquée. Depuis l'anomalie se transmet aux cellules adjacentes au gré des aléas des divisions cellulaires. Il reste à trouver le bon protocole pour gagner l'anomalie génétique de vitesse avant qu'elle ne dérègle un organe vital et cause le décès du patient.
Dès le lendemain, une équipe de scientifiques travaille jour et nuit sur la question, des spécialistes de la France entière apportent leur aide, leurs connaissances et leur matériel. Des échantillons voyagent à travers le pays tout entier pour percer le mystère de cette double hélice.
Dix jours plus tard, alors que le patient est de plus en plus faible, les résultats commencent à tomber avec la même rengaine : le cas est intéressant, le biologiste qui trouvera le remède pourrait bien gagner un prix Nobel mais pour le moment, on cherche et trouver le remède et le bon protocole prendra du temps. Virginie les presse, le patient est au plus mal, ils doivent faire vite !
Les médecins décident d'enchaîner les examens pour ne rien laisser passer : ils optent pour une angioscopie et  une scintigraphie pour s'assurer de la bonne vascularisation globale du corps, plus  un scanner. Ces examens ne révèlent rien d'intéressant.
- Bonjour, je suis désolée mais pour le moment nous avons fait tout ce qui est en notre pouvoir, dit Virginie. Assise auprès du lit du patient qui la regardait avec espoir, il y a un instant, elle s'émeut. N'y a-t'il dont rien à tenter pour le sauver ? L'intérêt est retombé, faute de découverte, il ne reste qu'elle et Dimitri pour le sauver. Le malade détourne le regard, il a compris, il est condamné et il lui fait signe de sortir après l'avoir remerciée. Alors qu'elle vient de refermer la porte le cœur lourd, la main de la jeune femme se crispe sur la poignée. Elle quitte l'hôpital en courant.
- Dim', il faut que je te vois tout de suite, tu es disponible ? Parfait, je te retrouve à la cafétéria de l'hôpital.
Quelques minutes plus tard, ils sont attablés dans la cafétéria déserte, un mauvais café fumant à la main. Ils parlent à voix basse à la recherche d'une solution pour traiter le phénomène. Ils savent qu'une anomalie génétique est à l'origine de la dégénérescence cellulaire du patient. Dimitri a fait des fiches cartonnées avec les hypothèses qu'ils ont explorées et d'autres pistes éventuelles. Il est toujours méticuleux et scientifique tandis que Virginie garde tout en tête.
- On fait fausse route depuis le début. La jeune femme vient de poser son café sur la table d'un geste brusque. Ce n'est pas un cancer, c'est une maladie auto-immune !
- J'y avais pensé également, dit Dimitri. Attends, je cherche la fiche. Elle est là, ça pourrait coller. Ou... c'est une maladie auto-immune au niveau atomique. Je t'explique : les atomes qui constituent les cellules s'agglutinent les uns aux autres, c'est ce qu'on a observé. Les cellules immunitaires ont reconnu la modification de la nature de la cellule qui s'effondre peu à peu sur elle-même et l'attaquent ce qui rend notre patient malade, associé à la dégénérescence de ses cellules .
- Ce qui n'explique pas pourquoi les atomes s'attirent les uns les autres. Ils s'attirent naturellement, c'est une histoire d'électrons, je crois. Or les réactions d'oxydo-réduction jouent sur les liaisons entre les atomes. On va lui faire respirer un peu trop d'oxygène afin d'affoler ses cellules et les réorganiser.

  Dès le lendemain matin, le patient est placé en chambre stérile sous oxygène. L'air est peu à peu saturé d'oxygène pour « affoler » les cellules. Inquiète, tout l'équipe médicale est présente ; anxieuse, elle attend la suite des événements. L'état du patient est tellement dégradé que c'est certainement son ultime chance de s'en sortir. Le taux d'oxygène dans l'air devient dangereux mais l'équipe décide de poursuivre l'expérience, c'est sa seule chance. En hyperoxie, le patient montre des signes de faiblesse mais les scientifiques décident à l'unanimité de continuer d'affoler les cellules. De toutes manières, il est condamné à court terme.
- Score de Glasgow ? demande Virginie. Attendez, ouvrez les yeux, Monsieur. Passez-moi une aiguille stérile. Merci, c'est bon, il les ouvre à la douleur, deux. Répondez-moi ! Réponse incompréhensible, deux. Extension à la douleur, deux. Ce qui nous fait un score de six, coma. On l'emmène au service de réanimation, vite. Appelez-les et faites le nécessaire dans l'immédiat.
Quelques heures plus tard, le patient ouvre les yeux. Les analyses ont révélé qu'il est tiré d'affaire, il en pleura et remercia toute l'équipe. Une revue scientifique s'intéresse au malade et un article sera bientôt publié sur cette nouvelle maladie et son traitement innovant.
- Merci docteur !
- C'est mon amie Virginie qu'il faut remercier, sans elle, vous ne seriez pas là.
- Merci à vous deux. Pourtant, je ne me sentais pas du tout d'atomes crochus avec vous mais j'ai eu raison de vous faire confiance.

vendredi 16 juin 2017

Rune d'ambre Chapitre 30/30

  Devant la porte-tableau où la toile du descendant de Falba Slikar a été installée, les deux jeunes gens font leurs adieux. Ils donnent à leurs amis une note et un plan pour se rendre chez eux s’ils peuvent passer la porte pour leur rendre visite.
 
  Munis de leurs affaires, ils se tiennent devant la porte-tableau et main dans la main, ils s’avancent. Ils versent une goutte de sang sur le sol et bientôt, ils passent la porte. Ils ont payé le prix pour traverser les mondes.
- Où sommes-nous ? souffle Ambrelune.
- Dans un placard, je crois. dit Rune.
- Nous sommes derrière la toile ? Chut, j’entends du bruit.
Ambrelune fait apparaître une faible lueur ce qui manque de faire pousser un cri à son ami. Elle lui fait signe de se taire et elle recherche les inscriptions à la craie, ils sont derrière le tableau au château. Ils cherchent comment sortir et ils suivent le mur. Rapidement, ils sortent dans un placard sombre. Avec prudence, ils sortent leur sac à la main. Ils se glissent dans la foule et ils cherchent la sortie quand Ambrelune tire Rune par la manche. Elle lui montre du doigt La jeune fille à la rose de Falba Slikar.
- Je rêve. murmure le jeune homme.
- Je ne crois pas, elle était là depuis le début. Brumance Trëndafil de Nichi. Qu’elle était belle ! Tu crois qu’elle a vécu dans notre monde ?
- Je crois plutôt que le peintre vendait ses toiles dans ce monde car il en pouvait plus le faire en Berethiel-Nienor à cause de sa réputation hasardeuse.
- C’est tout à fait plausible. dit Ambrelune en détaillant la jeune fille. Peut-être qu’elle a vécu dans notre monde, dans cette ville !
- Sans doute. Rentrons chez nous. 
- Tu crois que nous avons toujours nos tatouages ? dit Ambrelune en sortant du musée. En tous cas, nos vêtements et nos grimoires sont toujours là.
- Oui, tu as toujours ton tatouage ! dit le jeune homme après une discrète vérification.
Les yeux ronds, Ambrelune se retourne.
- Nous n’avons donc pas rêvé ? Mes parents vont me tuer !
- Ils vont te tuer si tu es en retard, le musée va fermer.
 
–—

- Quelle journée ! dit Rune en riant alors qu’ils quittent le musée.
- Elle a été très longue ; près de treize mois si mes calculs sont bons.
- Je crois qu’ils le sont.
Puis il se penche à son oreille pour lui murmurer :
- Si nous trouvions un endroit discret ? Je meurs d’envie de faire la même chose que toi.
- Dépêchons-nous alors, je connais un café où nous serons tranquilles.
 
Peu après, assis dans l’alcôve d’un vieux café, ils cherchent quel sort serait discret et sans danger. Après réflexion, ils tentent tous deux de faire onduler la surface de leur chocolat au lait. Bientôt, une tempête se déclare dans leurs tasses et ils se sourient, heureux de voir que leurs pouvoirs sont intacts.
Ils parlent longuement de leur voyage, nostalgiques et ils s’interrogent sur la façon dont ils vont pouvoir reprendre leur vie après tout ça.
- Je ne peux pas débarquer avec un sac empli de vêtements et de livres, plus un poignard. Mes parents vont se poser des questions. Et j’étais allé acheter une bande dessinée ! Je dois passer à la librairie.
Aussitôt leur chocolat chaud avalé, ils se rendent à la librairie puis ils cherchent un sortilège qui leur permette de cacher leurs objets venus d’ailleurs. Assis dans un parc, ils s’interrogent.
- Les rendre invisibles ? Ou les miniaturiser ? propose Rune.
- Ou nous enchantons nos porte-monnaie pour ne pas avoir à nous en séparer. répond Ambrelune en se levant. Je sais où acheter des porte-monnaie assez grand.
Leurs emplettes faites, ils se décident à rentrer chez eux.
- On ne peut pas se téléporter, je te le rappelle. chuchote Ambrelune.
- Nous allons devoir marcher ? J’avais oublié ce détail… Tu habites loin d’ici ?
- Oui, mon bus arrive. On se revoit bientôt, promis ?
- Promis. Raya et Andrea vont me manquer.
-  A moi aussi, mais nous irons bientôt les voir.
 
  Lorsque les deux adolescents passent la porte de chez eux, ils croisent un miroir et ils songent qu’ils ont grandi. Leurs parents les prennent dans leurs bras en pleurant.
- Où étais-tu donc ? Nous te cherchons depuis treize mois ! Tu vas bien ? 
Les yeux écarquillés, ils ouvrent la bouche en même temps et tous deux feignent l’amnésie. Ils subissent des examens médicaux qui révèlent que tout est normal. Lorsqu’ils se revoient enfin, ils sont surpris de voir que la réaction de leurs parents est identique.
- Je pensais que le temps se serait écoulé différemment. Or, il n’en est rien. Treize mois, nous sommes partis treize mois. dit Rune en tapant dans un caillou.
- Et nous avons un an de retard à l’école !
- Tu as toujours les runes ? Je crois que notre voie se trouve ailleurs. Dans un autre monde. chuchote-t’il.
- Tu crois ? s’étonne Ambrelune. Mais nos familles ?
- Après ce que nous avons vécu, tu te vois reprendre l’école, te faire traiter comme un bébé par tes parents ? Je pense retourner là-bas et entamer une carrière de magicien.
- Si le passage s’ouvre de nouveau. Ou si nous parvenons à en créer un nouveau.
- Nous pouvons y aller de nuit.
- Tu oublies les caméras, Rune.
- Ou nous devons trouver une autre porte-tableau. Ou en faire créer une.
- Qui irait de chez nous à chez Raya et Andrea ? dit Ambrelune, songeuse. Ce serait la meilleure chose à faire.
 

jeudi 15 juin 2017

Rune d'ambre Chapitre 29/30

 Une nuit, Rune et Ambrelune se réveillent en sursaut.
- Nous avons rêvé la même chose ? dit Rune.
- Du sang ?
Dans le noir, il acquiesce et les deux jeunes gens préparent leurs affaires. Ils réveillent Raya et Andrea puis ils se téléportent chez le descendant du peintre qu’ils réveillent en sursaut. Il hurle devant cette apparition mais il les reconnaît rapidement.
- Vous avez trouvé ?
- Nous pensons qu’il y a un prix à payer pour passer la porte. dit Rune
- Mais pourquoi ?
- Parce que c’est toujours comme ça que les choses se passent dans les histoires. répond Ambrelune.

Nanowrimo Novembre 2016: Poerava

Autrefois, il y a bien longtemps sur un motu polynésien vivait une jeune fille solitaire. Elle ne savait pas d'où elle venait ni n'avait de souvenir de son passé avant son arrivée sur le motu, elle ignorait jusqu'à son nom. A son réveil, ce matin-là, elle avait trouvé une pirogue sur le sable avec des provisions, des armes et du matériel. Elle savait chasser, faire du feu, pêcher et manier sa pirogue. Elle savait comment survivre, c'était l'essentiel. 

Une nuit assise seule face à l'océan, solitaire sous la pleine lune, elle chanta et dans son chant demandait d'où elle venait. Sa plainte était déchirante et emplissait les cieux. Une huître énorme surgit devant elle et une voix se fit entendre dans sa tête : J'ai avalé quelque chose qui m'a démangé et j'ai fabriqué une perle. Un jour, je l'ai recrachée et elle a grossi, grossi, grossi jusqu'à te donner naissance. Alors, j'ai demandé aux flots de t'emporter jusqu'à la plage. Poerava, tu es ma fille, ma chair mais nous devons rester séparées à jamais.

La jeune fille demanda où vivait l'huître dans le lagon et elle lui rendit fréquemment visite par la suite. Née de la mer, elle passait le plus clair de son temps dans le lagon, l'élément dans lequel elle se sentait le plus à l'aise.

Poe rava : perle noire en polynésien
Motu : ilôt

mercredi 14 juin 2017

Rune d'ambre Chapitre 28/30

«  Mes amis,
Le tableau est terminé, j’ai apporté les retouches que vous m’aviez signalées. J’espère que vous avez trouvé le sortilège que vous cherchiez.
Amicalement,
Loris Slikar »
Dès qu’ils reçoivent le message, ils se rendent dans la maison du peintre qui se montre ravi et un peu triste de les revoir. Il ne perd pas de temps et il les emmène immédiatement dans son atelier.
- Voici l’œuvre ! Vous me direz s’il reste des retouches à effectuer.
Fier de lui, Loris leur dévoile son chef d’œuvre. Rune et Ambrelune s’approchent, ils inspectent la toile à la recherche d’imperfections ou d’erreur mais ils ne remarquent rien. Le musée se trouve sous leurs yeux comme s’ils venaient de le quitter. Mais rien ne se passe, le tableau ne les aspire pas, ce n’est qu’un tableau ordinaire.
- Emmenons la toile à la porte-tableau ! décide Raya, un peu émue.
Après quelques heures de marche, ils sont devant la fameuse porte. Ils mettent le tableau en place et ils reculent, pleins d’espoir. Les minutes passent, ils commencent à avoir peur, peur de ne jamais rentrer chez eux. Les larmes aux yeux, ils reprennent le tableau puis repartent chez eux.
- Tu as réalisé un chef d’œuvre, Loris.
- Mais je ne suis pas doué en toile enchantée, je suis désolé, j’ai fait de mon mieux, Rune. Andrea, peut-être que tu pourrais faire quelque chose ?
Andrea s’approche de la toile et il tente divers enchantements qui ne fonctionnent pas. Les heures passent et ils finissent par abandonner, la mort dans l’âme.
- Vous seriez partis sans dire au revoir ? leur demande Raya alors qu’ils abandonnent.
- Nous sommes désolés, nous sommes tellement impatients de rentrer chez nous mais si tristes de devoir vous quitter à la fois. dire Ambrelune pour réconforter la sorcière.
Le sorcier aux cheveux vert émeraude passe la nuit devant la toile, il sent qu’elle a un pouvoir caché mais il ne semble pas activé pour une raison qu’il ne parvient pas à définir. Epuisé, il s’endort devant la toile.
Au petit matin, il leur soumet son idée, il propose d’aller voir La jeune fille à la rose pour tenter de découvrir la clé qui ouvre le passage.

  Ils rejoignent Nichi et la demeure familiale des Trëndafil. Devant la toile, ils tentent d’en savoir plus sur la jeune fille blonde en robe rose qui semble perdue dans ses pensées.
- Elle et ce peintre ont sali notre famille. La petite a disparu par enchantement et ce maudit peintre n’y est pas étranger, soyez-en certains. Même si nous ne pouvons rien prouver.
- Pouvons-nous voir la toile? demande Andrea avec son sourire le plus charmeur.
- Bien évidemment, leur dit la femme.
  Durant des heures, ils inspectent la toile pour tenter de retrouver la trace du sortilège dont elle a été imprégnée.
- Est-il possible que votre sortilège ne soit pas correct? demande Rune à Raya et Andrea.
- Non, il est correct. Il n’a pas de raison de ne pas fonctionner.
- Donc ce n’est pas le bon moment ou nous avons une tâche à accomplir avant de repartir.
- Mais quelle tâche? Quel moment?
- La pleine lune? Une période précise après notre arrivée?

mardi 13 juin 2017

Rune d'ambre Chapitre 27/30

  La porte reste close. De rage, ils n’aspirent qu’à la solitude et après concertation, ils se téléportent dans la cabane abandonnée de la chaîne des Elondianes où ils ont séjourné, il y a bien longtemps. Dans la petite maison de bois, ils laissent leur frustration les submerger.
- Où ce maudit peintre a-t’il bien pu apprendre ces techniques ? Nous n’avons rien trouvé dans les livres que nous avons consulté. s’énerve Ambrelune.
- Ne pleure pas, nous avons dû manquer quelque chose. Comment ce peintre est-il parvenu à ouvrir une porte entre les mondes ? Il se dit qu’il a peint des mondes qu’il a vus en rêve et qui sait, peut-être y est-il allé ? Peut-être que si nous tentions de recréer notre monde, nous pourrions rentrer ?
- Tu sais peindre, toi ? demande la jeune fille.
- Non mais nous pouvons essayer de le faire et d’enchanter la toile.
- Rentrons !

  De retour dans la capitale, les deux jeunes gens achètent une toile vierge et de la peinture avant de se rendre à Fulvia près de la maison du descendant du peintre. Surpris de les trouver à sa porte, le jeune homme leur ouvre aussitôt son atelier. Il leur explique sommairement comment préparer les couleurs, utiliser les pinceaux et créer les dessins préparatoires.
- Tu crois que si c’est mal dessiné, ça marchera ? chuchote Rune.
- Nous devons poser sur la toile la vie elle-même, je pense que le reste n’a pas d’importance. répond Ambrelune qui réfléchit à la meilleure façon de procéder.
Le peintre les laisse faire, il surveille leur travail et il corrige leurs esquisses. Les deux jeunes gens s’arrêtent souvent pour débattre sur un point précis, leur mémoire s’estompe, ils doutent et ils discutent parfois longtemps avant de parvenir à se mettre d’accord. Lentement, le musée se dessine comme s’ils étaient dos au tableau. Mais ils ne se souviennent que de quelques détails comme les colonnes ou la statue. Ils tentent également de représenter le tableau qui les a aspirés à lui.
- Bien, je vais m’essayer à peindre ceci au mieux. Revenez dans un mois.
- Un mois ? Mais Loris, c’est trop long !
- Je sais, Ambrelune mais je ne peux créer deux toiles en un mois en temps normal. Je vais travailler jour et nuit en laissant tout le reste de côté pour tenter de les finir au plus vite sur un petit format
- Je sais, merci. Nous continuerons nos investigations de notre côté.

  Les semaines suivantes se passent en recherches sur le peintre ou la magie qu’il a pu utiliser et un rapide tour du royaume. Bien que Rune et Ambrelune connaissent le pays, ils veulent en emporter le plus de souvenirs possible qu’ils rangent précieusement dans leur sac. Ils passent également beaucoup de temps avec Raya et Andrea qui s’intéressent de près à leur recherche. Il ne leur semble pas impossible d’enchanter une toile pour en faire un passage vers un autre monde, seulement très difficile. Par l’intermédiaire du roi et de la reine, ils rencontrent les plus grands sorciers du royaume qui leur assurent tous que s’il est possible d’enchanter une toile pour la masquer ou créer une illusion, il leur semble impossible d’en faire une porte sur un autre monde et encore moins de la franchir. Ils rient à l’évocation du peintre fou qui ne peut avoir passé la porte. Ils estiment que la jeune fille à la rose de Falba Slikar n’est qu’une légende de plus. Certes, ce tableau est très réaliste et le peintre s’est certainement fait payer fort cher cette toile mais la jeune fille a dû s’en servir comme prétexte pour fuir le domicile familial. Et le peintre en a fait une légende pour tenter d’asseoir sa réputation sans succès.
Dépités, les deux jeunes gens ne s’avouent pas vaincus. Ils s’essaient à enchanter des toiles sans succès. Ils parviennent à les rendre invisibles, à en inverser les couleurs ou à faire fondre la toile mais ils n’arrivent pas à matérialiser ce qu’ils ont peint.
- Nos expériences pourraient se révéler dangereuses ! Imagine qu’au lieu de traverser la toile, nous fassions entrer des éléments du tableau dans ce monde. dit Ambrelune.
- Nous ne prenons guère de risques à tenter de faire entrer des objets du musée, non ?
- Sauf s’ils changent en passant d’un monde à l’autre. Imagine une sculpture de pierre ou de marbre qui a l’intention de nous attaquer ? Ou un nouveau tableau qui risquerait de nous aspirer ?
- Tu as raison, nous pourrions être envoyés dans un monde en plus de celui-ci ! conclut Rune.
- C’est un risque à ne pas négliger, je le crains. Nous devrons traverser un monde supplémentaire pour rentrer chez nous.

  Malgré leurs échecs, ils continuent leurs tentatives. Andrea s’intéresse de près à leurs expérimentations pour leur éviter de faire une erreur fatale et leur faire bénéficier de son expérience. Sous sa surveillance, ils parviennent à imprégner des toiles de peinture sans les toucher ou à mélanger les couleurs du tableau pour les fondre en une masse indéfinissable.
Ils tentent également d’enchanter la peinture qu’ils utilisent. Ils créent ainsi des tableaux qui changent de couleur selon la lumière ou d’autres qui dégagent des odeurs fleuries et sucrées. Le mieux qu’ils parviennent à faire est la création d’une mixture colorée qui détruit la toile dès qu’ils commencent à l’étaler. Le pinceau ne tient guère plus longtemps. Dépités, ils s’apprêtent à jeter la peinture mais ils se ravisent au dernier moment. Ils réfléchissent longuement à la manière de s’en débarrasser car la seule matière que leur création ne détruit pas est le verre. Ils finissent par dénicher une carafe en verre au marché et ils y mettent les restes de peinture qu’ils jettent au fond d’un trou profond, bien conscients que ce n’est pas la meilleure solution. Plus tard, pris de remords, ils vont récupérer la peinture magique de peur de blesser quelqu’un. Raya résout le problème en détruisant la bouteille et son contenu dans le cadre d’une expérience pour désactiver son pouvoir. 

 Déprimés, les deux jeunes perdent espoir à mesure que le temps passe. Ils continuent à explorer le pays mais ils commencent à bien le connaître et leurs escapades ne parviennent plus à leur remonter le moral. Ils ne savent plus où chercher des indices pour rentrer chez eux et ils continuent à se rendre régulièrement à la porte-tableau dans l’espoir qu’elle s’ouvre d’elle- même mais cela ne se produit jamais. Ils décident un matin de se rendre dans la vallée divine pour ramasser des fleurs inconnues d’eux et tenter de leur découvrir des propriétés nouvelles. Ils reviennent dans la petite maison de Raya, les bras chargés de fleurs. Après un rapide tri et un long examen aidés par des herbiers anciens et des livres de magie, ils se rendent à l’évidence. Ils ont cueilli ces fleurs et ces herbes pour rien, elles leurs sont inutiles quand elles ne pourraient pas se révéler dangereuses. Dépités, ils finissent par s’en débarrasser.

lundi 12 juin 2017

Rune d'ambre Chapitre 26/30

   Un matin de printemps, après une nuit de discussion, Rune et Ambrelune se mettent en quête d’autres tableaux du peintre. Ils espèrent que ces peintures s’ouvriront sur d’autres mondes et qu’ils les mèneront au leur. Après des jours de recherche dans la bibliothèque royale et à l’académie de peinture, ils ne trouvent la trace que d’un unique tableau, la jeune fille à la rose qui appartient à la famille Trëndafil depuis deux siècles. Les deux jeunes gens retrouvent trace de cette vieille famille dans la ville de Nichi, située au nord-est du pays. Plusieurs de leurs ancêtres sont devenus des héros locaux et ils sont parfois mentionnés dans certaines légendes.
- Je regrette tellement internet, nous perdons un temps fou à consulter ces grimoires! Cela me rappelle le temps où les recherches se faisaient uniquement dans les livres. soupire Rune. Ce temps perdu me fait encore plus regretter notre monde. Que d’heures perdues à manipuler de lourds registres poussiéreux.


   La petite ville située dans une grande plaine rejoint la rivière qui traverse le royaume du nord au sud. Après s’y être téléportés, Rune et Ambrelune regardent autour d’eux, la ville semble petite, ils ne mettront pas longtemps à trouver ce qu’ils cherchent.
- Nous recherchons la famille Trëndafil. dit Ambrelune en interpellant une femme qui revient du marché.
Horrifiée, la femme les regarde un instant avant de continuer sa route comme si elle n’avait pas entendu la question.
- Les gens d’ici ne sont guère accueillants ! s’étonne Rune. A moins que cette famille ne cache un terrible secret. Je crois que nous allons devoir frapper à toutes les portes.
Durant deux heures, les deux jeunes gens frappent aux portes les unes après les autres jusqu’à faire le tour du village.
- Quels secrets cette famille peut-elle bien cacher ? s’interrogent-ils.


Après avoir marché une heure supplémentaire, Rune et Ambrelune décident d’en savoir plus par les seuls moyens à leur disposition et ils se penchent sur leur livre de contes et légendes. Ils y apprennent que Brumance Trëndafil a mystérieusement disparu une fois son tableau terminé.
- Nous ne sommes pas les seules victimes des pouvoirs de ce peintre. murmure Rune.
Ils vont repartir quand Ambrelune le retient par la manche.
- Elle est allée dans le tableau ? Tu te souviens du tableau qui nous a aspirés ? Je ne sais plus si c’était celui avec le jeune homme à l’air rêveur ou celui avec le château ?
- Celui avec le château, je crois. Nous devons trouver un tableau de ce peintre qui représente notre monde ?
- A notre époque ! lui rappelle Ambrelune. Un tableau vivant…  
- Mais nous ne sommes pas plus avancés, nous devons trouver d’autres toiles de ce peintre. Il n’y a pas de musées, ici, ils sont chez leurs propriétaires, nous allons devoir fouiller la bibliothèque royale pour établir une liste.
- Oui, mais nous avons une piste.


   De retour chez Raya, les deux jeunes gens exposent leurs découvertes. Puis ils s’empressent d’aller voir le roi et la reine pour leur demander de faire examiner les peintures du célèbre peintre dans tout le royaume. Un mois passe et la réponse leur parvient, aucun de ces tableaux ne semble représenter leur monde. Le printemps touche à sa fin et ils n’ont pas avancé dans leurs recherches.
Dépités, ils demandent à obtenir la liste des tableaux du peintre encore dans le pays. Seuls treize tableaux se trouvent encore dans ce monde dont la porte-tableau et la jeune fille à la rose.


  Un mois plus tard, ils ont terminé d’examiner tous les tableaux sans succès. 


–—


  Un jour, ils se rendent à la porte-tableau. Partis de la porte du château, ils marchent durant deux heures sur le chemin de terre battue. Par cette fraîche journée de printemps, ils s’avancent le cœur plein d’espoir. Autour d’eux, l’herbe murmure doucement sous le vent et les deux jeunes gens se retiennent de presser le pas. Ils sourient et ils rient de bonheur et d’espoir tout en jetant de nombreux regards autour d’eux pour s’imprégner de la beauté des lieux. Ils s’amusent à lancer quelques sorts alentour pour profiter encore un peu de leurs pouvoirs et de leurs connaissances en matière de magie. Leurs sacs se balancent au rythme de leur marche et ils ne peuvent se retenir de courir sur les derniers mètres.


   La porte-tableau se trouve face à eux. Enfin, le moment de leur délivrance est venu. Cette fois-ci, Rune et Ambrelune sont sûrs d’eux, ils ont réussi, ils vont rentrer chez eux. Ils n’ont pas osé dire au revoir à Raya et Andrea mais ils leur ont laissé une lettre d’adieu et d’excuses pour leur départ précipité.


   Devant la porte, ils relisent la légende de  Brumance Trëndafil, le cœur battant. Comment trouver le coup de pinceau manquant pour leur permettre de passer de l’autre côté ? A tâtons, ils palpent le mur de pierre mais ils savent que la toile est inaccessible et pourtant si proche.
- Qu’est-ce qu’on risque à tenter de détruire la brique pour atteindre la toile ? commence Ambrelune.
- Détruire notre seul moyen de rentrer chez nous… répond Rune.
Ils en ont parlé des jours entiers pour décider s’ils devaient prendre le risque de détruire la porte qui mène vers leur monde.
- Dans ce cas, allons-y ! dit Ambrelune avec un sourire.
A l’unisson, ils prononcent la formule qui doit les ramener chez eux. Un an vient de s’écouler.